Application à l’accident du travail de la recevabilité de la preuve déloyale 

 

 
| Droit de la Sécurité Sociale |

 

Par Guillaume Roland et Ondine Juillet, le 5 juillet 2024

 

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Pour rappel, la preuve obtenue ou produite de façon déloyale n’est plus nécessairement écartée des débats depuis l’arrêt de l’Assemblée plénière du 22 décembre 2023.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.

Ainsi, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Une application de cette récente jurisprudence vient d’être faite en matière d’AT/MP.

Un salarié peut à certaines conditions produire en justice un enregistrement réalisé à l’insu de son employeur afin de faire reconnaître le caractère professionnel de l’accident et la faute inexcusable de l’employeur.

Dans cette affaire* :

– L’altercation enregistrée est intervenue au sein de la société dans un lieu ouvert au public, au vu et au su de tous, et notamment de trois salariés collègues de la victime et d’un client de l’entreprise (également associé avec le gérant dans une autre société).

– Au regard des liens de subordination unissant les trois salariés avec l’employeur, et du lien économique du client avec le gérant, la victime pouvait légitimement douter qu’elle pourrait se reposer sur leur témoignage.

– La victime s’est bornée à produire un enregistrement limité à la séquence des violences qu’elle indique avoir subi et n’a fait procéder au constat de la teneur de cet enregistrement par un huissier de justice que pour contrecarrer la contestation de l’employeur quant à l’existence de l’altercation verbale et physique.

Ainsi, pour la Cour de cassation, la production de cette preuve était indispensable à l’exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l’accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci.

 

Notre avis : Les débats risquent de plus en plus de porter sur le caractère indispensable ou non du moyen utilisé pour apporter la preuve des faits allégués. Dans cette affaire, la Cour a relevé le lien de subordination entre des potentiels témoins et l’employeur pour estimer qu’aucun témoignage ne pouvait être recueilli. Sera-t-elle aussi indulgente lorsque ce sera l’employeur qui produira un enregistrement ?

 

*Cass. 2e civ., 6 juin 2024, n° 22-11.736

 

  

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