Arrêt de travail et indemnités journalières (IJSS) : ce qui change au 1er avril 2025
27 février 2025
| Droit de la Sécurité Sociale |
Guillaume Roland Ondine Juillet
Après une annonce à l’automne 2024 suivie d’un report lié à la censure du Gouvernement Barnier, le décret instaurant une nouvelle base de calcul pour les indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS) vient d’être officialisé. Dès le 1er avril 2025, le plafond des revenus pris en compte passera de 1,8 à 1,4 Smic mensuel, un changement qui impactera à la fois les entreprises, les salariés et les organismes de prévoyance.
Concrètement, qu’est-ce que change ce nouveau décret pour les entreprises ?
Ondine Juillet : Pour rappel, un salarié absent pour une maladie non professionnelle perçoit une indemnité de la sécurité sociale (art. L 323-14 et suivants du code de la sécurité sociale) et une indemnité complémentaire de son employeur (art. L1226-1 du code du travail). S’agissant de l’indemnité versée par la sécurité sociale, celle-ci se présente sous la forme d’une indemnité journalière calculée sur la base du salaire journalier de base. Ce salaire se calcule sur la moyenne des trois derniers salaires mensuels bruts pris en compte dans la limite aujourd’hui de 1,8 fois le Smic mensuel en vigueur. Pour obtenir le salaire journalier de base, il convient d’additionner les trois derniers salaires mensuels bruts et de diviser le total par 91,25. L’indemnité journalière maladie correspond généralement à la moitié de ce salaire journalier de base, mais elle peut être majorée dans certains cas pour charges de famille.
De façon concrète, un salarié, qui perçoit en moyenne 3 000 euros bruts, reçoit aujourd’hui de la sécurité sociale :
- Calcul du salaire journalier de base : (3 000 X 3) / 91,25 = 98,63 euros
- Calcul de l’IJSS aujourd’hui : 98,63 X 50 % = 49,31 €
Le Smic mensuel est de 1 801,80 €, le plafond actuel est de 1 801,80 X 1,8 = 3 243,24 €, soit une ISS max de (3 243,24 X 3)/ 91,25 X 50 % = 53,31 €.
Un décret paru au journal officiel le 21 février (Décret n°2025-160 du 20 février 2025) a prévu d’abaisser le plafond susmentionné de 1,8 à 1,4 SMIC.
Pour reprendre notre exemple, notre salarié ne percevra plus 49,31 € par jour mais 41,47 € car sa rémunération dépasse le nouveau plafond (1 801,80 X 1,4 = 2 522,52 €, soit une ISS max de (2 522,52 X 3) / 91,25 X 50% = 41,47 €). Sur un mois à 30 jours, la différence sera pour lui de 235,20 € bruts.
Ce décret a donc pour conséquence directe de baisser les indemnités journalières versées aux salariés ayant une rémunération supérieure à 1,4 Smic. Or, selon les chiffres de l’Insee, en France en 2022, le salaire médian est de 2 091 € nets, soit environ 2 715 € bruts par mois. Cette réforme va ainsi impacter directement les salariés dans leur globalité puisque plus de 50 % d’entre eux seront dorénavant concernés par le plafonnement des indemnités journalières de sécurité sociale.
A titre individuel, cette mesure aura un impact sur les salariés qui ne bénéficient plus d’un complément de rémunération de leur employeur (car ils ont épuisé par des arrêts maladie sur les 12 derniers mois leurs droits à complément) et/ou qui ne bénéficient pas d’un régime de prévoyance complémentaire.
Est-ce que cela va ajouter un coût aux entreprises qui devront assumer cette charge ou uniquement aux organismes de prévoyance ?
Guillaume Roland : D’abord, rappelons que la mesure est un abaissement de plafond. Elle ne change donc rien pour les salariés qui ont une rémunération inférieure ou égale à 1,4 Smic. De plus, cette mesure a un impact limité compte tenu du mouvement initié depuis des années de transférer la solidarité nationale vers une solidarité de branche et d’entreprise : dorénavant, un nombre croissant de branches imposent aux entreprises qui les composent la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire.
Pour répondre à la question posée, il convient de rappeler qu’un salarié malade perçoit une indemnité journalière de la sécurité sociale complétée par l’entreprise suivant son ancienneté et la durée de son arrêt de travail. A titre général, l’employeur doit maintenir 90 % du salaire pendant au moins 30 jours pour un salarié ayant au minimum un an d’ancienneté (C. trav. art. L 1226-1 et D 1226-1). Ce complément peut être à titre particulier plus important et plus long si la convention collective le prévoit. Ce complément peut ensuite être relayé par un régime de prévoyance. L’abaissement du plafond va donc créer une charge complémentaire d’abord pour les entreprises et ensuite pour les régimes de prévoyance. Il est probable qu’après ce premier effet, un second apparaisse sous la forme d’une hausse des cotisations des régimes de prévoyance qui se concrétisera par une hausse des cotisations salariales et/ou patronales.
Pourquoi ce durcissement du gouvernement outre les économies souhaitées par l’Assurance maladie ?
Ondine Juillet : Les gouvernements successifs ne se sont pas cachés qu’il fallait faire des économies et cette mesure concourt à cela (on évoque un montant d’économie de 600 millions d’euros par an). Néanmoins, elle s’inscrit dans un plan plus vaste qui consiste à lutter contre une augmentation particulièrement significative du volume financier des indemnités journalières, les gouvernements recherchant des « solutions permettant de prévenir le recours aux arrêts maladie ». Dans le même ordre d’idées, on pense également aux débats autour du délai de carence dans la fonction publique.
Si ce durcissement a pour effet de renchérir le coût des arrêts maladie pour l’entreprise pour leurs salariés ayant un salaire compris entre 1,4 et 1,8 fois le Smic, il a aussi un effet pour ces mêmes salariés puisque pour ceux ne bénéficiant pas du complément employeur ou d’un régime de prévoyance, la prise en charge de leurs arrêts de travail sera sensiblement diminuée. Ce durcissement est donc motivé également par une volonté de dissuasion contre le recours aux arrêts maladie.
Quand cela sera-t-il applicable ?
Guillaume Roland : Le décret n°2025-160 du 20 février 2025 abaisse le plafond à 1,4 fois le Smic pour les arrêts de travail débutant à compter du 1er avril 2025. Les assurés en cours d’indemnisation à cette date ne sont donc pas concernés.
Quelles seront les répercussions de ce décret selon vous ?
Guillaume Roland : Pour s’exonérer du paiement d’un complément de rémunération qui devient plus onéreux, les employeurs pourraient s’intéresser davantage au système des contre-visites médicales dont le régime a été assoupli en 2024. Si au terme d’une contre-visite médicale, le médecin-contrôleur choisi par l’employeur ne valide pas le bien-fondé de l’arrêt de travail du salarié, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires de maladie. Le décret du 5 juillet 2024 a introduit de nouvelles dispositions concernant la suspension des indemnités complémentaires par l’employeur en cas d’arrêt de travail. Désormais, les salariés sont tenus de communiquer à leur employeur, dès le début de l’arrêt de travail et à chaque changement, leur lieu de repos s’il diffère de leur domicile habituel. De plus, si l’arrêt de travail porte la mention « sortie libre », les salariés doivent indiquer les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer.
L’employeur peut donc dorénavant suspendre le versement du complément de salaire dans les cas suivants : arrêt de travail infondé, impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, refus du salarié de se présenter à la convocation, absence du salarié lors de la visite à domicile.
Ces nouvelles dispositions, inscrites dans le nouvel article R 1226-12 du Code du travail, visent à renforcer le cadre juridique de la contre-visite médicale et à lutter contre les abus potentiels liés aux arrêts maladie.
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