Discrimination : le juge doit s’assurer du respect du RGPD

 

17 octobre 2024

 

| Droit social |

 

   

Guillaume Roland          Sandrine Henrion

 

Dans le cadre d’un litige visant à faire reconnaitre une discrimination syndicale en matière d’évolution salariale et professionnelle, un représentant du personnel avait saisi le conseil de prud’hommes et, pour établir la matérialité des faits, avait demandé au juge d’ordonner la communication de documents personnels concernant d’autres salariés (bulletins de salaire, historique de carrière).

Cette mesure d’instruction ordonné par le juge « avant dire droit » était contestée par l’employeur qui invoquait le droit à la protection des données personnelles de ces salariés garanti par le RGPD.

Dans un arrêt du 3 octobre dernier*, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a procédé à un contrôle de proportionnalité de la mesure afin de s’assurer de sa licéité et dont elle détaille les modalités :

– La mesure doit être fondée sur un droit national,

– Elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée, et,

– Elle garantit la protection de l’indépendance de la justice et de procédures judiciaires et l’exécution des demandes de droit civil.

La Cour de cassation en déduit que la communication de documents personnels, tels que les bulletins de paie des salariés tiers et leur mise à disposition d’un salarié, invoquant l’existence d’une discrimination syndicale ordonnées par la juridiction prud’homale, répond ainsi aux exigences de licéité des articles 6 et 23 du RGPD.

Puis, reprenant l’avis rendu par la Chambre sociale le 24 avril 2024**, l’arrêt précise que le juge prud’homal saisi d’une demande de communication contenant des données à caractère personnel dans le cadre d’un litige pour discrimination doit :

– rechercher si la communication des données est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi. 

– cantonner, au besoin d’office, le périmètre de production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués et de la nature des pièces sollicitées.

– veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi.

– et, faire injonction aux parties de n’utiliser ces données, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

 

Notre avis : Dans le cadre d’une action en discrimination, l’employeur ne peut invoquer le RGPD pour s’opposer à une demande de communication de pièces. Toutefois, le juge devra opérer un contrôle spécifique afin de garantir la protection des salariés tiers au litige et c’est sur cette base qu’il conviendra de s’attarder pour limiter cette demande.

 

*Cass. 2eme civ., 3 octobre 2024 n°21-20.979

**Cass. Soc. 24 avril 2024, n°21-20.979

 

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